Nouveau Monde a commencé en 2012, à la suite du webzine YmaginèreS, à publier des auteurs méconnus qui méritent cependant toute notre attention. Des dizaines d’entre eux l’ont déjà été dans les pages de notre revue et sur notre blog (tournois des Nouvellistes et matchs d’écriture) et bien plus le seront à l’avenir. Nous allons aujourd’hui nous pencher sur la genèse de certains textes parus dans les contrées de notre Nouveau Monde car comment comprendre complètement la pensée d’un auteur dans un récit si nous ne savons pas pourquoi il s’est un jour décidé à le rédiger…
C'est au tour de Françoise Grenier Droesch, gagnante du 2ème Tournoi des Nouvellistes, de nous révéler ce qui l'a amenée à écrire sa nouvelle "Trauma"...
Cette histoire s’est imposée d’elle-même
suite à une sortie pour assister à un concert où mon fils se produisait avec
son groupe « Cadavreski ». Traditionnellement, dans ma ville, une
association « Les Clefs de Troyes », organise une fête pour les
nouveaux étudiants venant intégrer les formations post-bac disponibles
dans nos universités surtout techniques...
Bref, nous sommes venus en famille et nous
nous approchons de la scène, installée sur le parvis de la Médiathèque, je
crois, pour mieux apprécier le spectacle. Il n’est pas trop tard, la place est
clairsemée, et tout le monde n’est pas encore là, surtout les habitués des
afters des concerts de la ville (Ville en musique en été et
Nuits de Champagne à La Toussaint...). Les nouveaux étudiants attendent patiemment... Il
y a des remises de prix suite à une course urbaine d’orientation (en vue de
découvrir notre ville) par l’intermédiaire de points accumulés lors d’épreuves
(sportives ou culturelles) gagnées par les équipes concurrentes dans la journée
et comptabilisés ce soir-là, vers 19h...
La prestation musicale commence à 21h
quand soudain un groupe de jeunes cherche à passer en force vers les premiers
rangs (où nous sommes). On nous bouscule sans ménagement. Au vu de notre tête pleuvent des mots et des phrases terribles pour une soirée « bon
enfant ».
« Qu’est-ce qu’ils foutent là, les
vieux ? Putain, c’est pas possible ! » (C’est vrai que mon mari
et moi-même approchons de la soixantaine, notre fille aînée de la
trentaine...).
On ne réagit pas à leurs propos mais la
fille du groupe réplique encore :
« Je te l’enfonce bien profond »
en faisant un doigt d’honneur en notre direction après qu’ils aient réussi à se
placer devant tout le monde...
Cette façon de nous considérer m’a choqué
profondément et a été le déclencheur de cette histoire d’un prof agressé par
des bandes de jeunes comme ça gratuitement.
Je me suis dit que tous ces étudiants, ou
des lycéens même, pouvaient se retourner contre nous, adultes, pour diverses
raisons ou même aucune, juste par provocation (peut-être ceux rencontrés lors
de cette manifestation étudiante étaient-ils bourrés mais bon).
Le regard de la fille, noir, mauvais et
son langage méprisant, voire carrément insultant m’a fait présager d’un futur
où s’instaurerait leur règne et où ils nous pourchasseraient pour nous
exterminer tous (les plus de 30 ans).
Un roman se rapproche un peu de mon texte
« Sa Majesté des mouches » (que j’ai lu après avoir rédigé cette
nouvelle). En effet, les enfants peuvent avoir des réactions de pure violence
à l’encontre de leurs semblables... Cela ne me semble pas irréel.
Un autre, que j’ai lu ensuite, « Rien ne nous survivra » de Maïa Mazurette (Mnémos Dédales), traite
du même thème en pire puisque les jeunes s’acharnent sur des + de 25 ans. C’est
carrément la guerre entre les 2 clans (celui des Théoriciens et celui des vieux
qui s’affrontent dans une atmosphère de guerre civile).
Dans mon texte, par contre, les adultes
ont perdu.
Voilà donc comment s’est construit cette
histoire pas drôle et même assez gore. D’autres de mes textes ont aussi été
déclenchés par des scènes vécues que je modifie pour les besoins narratifs...
J’invente le personnage principal sur qui le malheur tombe et je m’amuse à le
mettre dans des situations délicates ou absurdes (mon autre texte « Nuit Blanche » par exemple).
Parfois, ce sont des flashs ou images qui
s’imposent à moi, dont je dois me débarrasser ou mettre à distance par écrit ou
au travers des dessins. Dans cette catégorie, « Boomerang » et
d’autres non parus sur cette plateforme. J’aime citer mon maître en la
matière, Julio Cortázar, qui s’exprime sur la genèse de ces textes dans
son « Tour du jour en quatre-vingts mondes ». Pour lui comme pour
moi, il suffit d’écrire, c’est à dire « dérouler la pelote, le magma
informe que l’on a dans la tête » et les idées s’enchaînent d’elles-mêmes.
Je peux très bien commencer une phrase et, tout à coup, le reste arrive
avec la fin (car souvent je n’en ai pas ou bien plusieurs à la fois !).
Merci à Nouveau Monde de m’avoir permis d’exprimer mon
ressenti d‘auteur et aussi d’avoir mis des lecteurs sur ma
route.
En espérant que ces réflexions sur mon travail (en amateur et en
pointillé malheureusement pour moi car je travaille parallèlement) vous apportent
un plus, chers lecteurs.
bonsoir et merci pour ce témoignage. je vis aussi des choses similaires avec mes 50 ans et je trouve ça bien dommage.
RépondreSupprimerelisabeth charier