"Si l'art n'a pas de patrie, les artistes en ont une." Camille Saint-Saëns

"Un seul rêve est plus puissant qu'un millier de réalités." J.R.R. Tolkien

samedi 17 novembre 2012

Tournoi des Nouvellistes - Huitième de finale n°3 : Doris Facciolo / Lachésis


Vous trouverez ci-dessous le planning du tournoi actualisé. Cliquez sur l'image pour l'agrandir.





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Kristoff Valla a remporté le 2ème huitième de finale, face à Julien Noël. Il est donc qualifié pour les quarts de finale. Voici à présent les deux nouvelles suivantes du Tournoi des Nouvellistes. Lisez-les et votez ensuite, grâce au module situé tout en bas de cet article, pour votre texte préféré. Vous avez une semaine, jusqu'au vendredi 23 novembre 2012, 23h59, pour voter. Celui qui aura obtenu le plus grand nombre de votes l'emportera et sera qualifié pour le tour suivant tandis que son concurrent sera éliminé.

N'hésitez pas à donner votre avis sur ces nouvelles dans un commentaire, en fin d'article. Pour cela, cliquez sur le titre de l'article pour voir ce dernier en entier et descendez jusqu'en bas. Un espace réservé aux commentaires s'y trouve.

Bonne lecture et bon tournoi à tous !  


 Huitième 
de finale  
n°3  



nouvelle n°5
La Blanche Biche
de
Doris Facciolo





– Je déteste ce château, chuchota Agathe à sa mère tout en observant l’immense tête de cerf accrochée au mur faisant face à l’entrée.
– Je sais, répondit-elle sur le même ton. Mais nous ne resterons ici que quelques semaines, le temps que le Seigneur ton père se lasse de chasser cette blanche biche.

La jeune fille soupira, laissant le silence parler pour elles-deux. Mère et fille savaient ce qu’était réellement cette biche, d’un blanc immaculé, qui semblait défier tous les chasseurs depuis l’orée des bois de Russon jusque dans la vallée de la Meuse. C’est d’ailleurs pour se procurer sa tête en guise de trophée que le Seigneur Hacco avait décidé de séjourner quelques temps dans son château-fort en bord de Meuse. Il était impensable qu’un autre que lui remporte un magot aussi rare ! Il lui fallait donc être sur les lieux où la créature avait été aperçue.

Agathe passa sous l’horrible tête qui semblait la fixer de ses yeux morts, lui rappelant à quels dangers un animal sans défense devait faire face. Alors quelle montait l’escalier menant aux chambres de l’aile ouest du château, la jeune fille tenta vainement de faire abstraction de tous les trophées que son père avait ramenés de chasse : cerfs, biches, sangliers et daims pour les plus imposants, mais trônaient aussi ça et là quelques renards et furets. Certes, ce gibier leur procurait nourriture et chaudes couvertures pour l’hiver, mais jamais elle ne mangeait de viande et ce n’est qu’avec réticence qu’elle se réchauffait sous les peaux de bête. Sa propre mère ne touchait au civet de biche que du bout des lèvres, au grand dam de Hacco qui, lui, y allait à pleines dents.

La chambre d’Agathe avait été balayée, des herbes de senteur avaient été répandues au sol et son lit s’ornait de draps propres surplombés d’une double couverture de laine. Ah ! La brave Clothilde, domestique au service de son père depuis des années, n’avait pas oublié les préférences de la jeune fille. Il était bon de savoir qu’elle avait quelques alliés dans cette bourgade, malgré les apparences.

En effet, son père et ses acolytes n’avaient pas bonne réputation, malgré les efforts de sa mère pour le dissimuler aux yeux d’Agathe. Le seigneur Hacco s’était attribué lui-même ce titre, et avait conquis le château-fort on ne sait comment. Personne n’avait voulu le lui dire. Mais ce qu’elle savait, ce que tous savaient, c’est que le seigneur Hacco agissait en tyran avec ses gens, et pire encore avec ceux qui ne l’étaient pas et qui se trouvaient sur ses terres.

– Pas plus tard que cet après-midi, un homme sur une charrette tirée par un bœuf et chargée de provisions a pensé que la route qui traverse mes terres pouvait être empruntée comme bon semblait à tout un chacun, avait-il lancé un jour au dîner entre deux bouchées. Je l’ai alors prévenu que s’il voulait traverser mes forêts, fallait payer. Il m’a presque ri au nez, ce manant ! Ha ! Il avait l’air moins fier avec une flèche qui le dardait. Il m’a alors lancé qu’il n’avait pas d’argent pour me payer. C’est qu’il me prenait vraiment pour le dernier des crétins !
– Qu’avez-vous donc fait, mon seigneur ? Demanda ma mère, qui connaissait son mari pour aimer que l’on use de ce titre.
– Mes gars se sont servis dans sa carriole. Elle était plus légère pour prendre la route ! S’esclaffa-t-il.

Agathe observa la route qui partait du château-fort vers la forêt, en passant par le moulin à eau. Combien d’autres paysans avaient donné toutes leurs économies à son père pour pouvoir emprunter la seule route qui traversait ces terres jusqu’à la Meuse ? Pire… combien avaient dû payer de leur sang car ils n’avaient ni pièce ni provision à céder ?

Cette idée la rendait malade. Elle dévia son regard sur la colline à deux ou trois cents mètres de là, où se trouvaient les ruines d’une antique villa romaine. Il ne restait là que les fondations de la bâtisse, ses pierres ayant servi à la construction du château de Hacco. Son père n’était probablement pas encore né lorsque l’on bâtit ce sombre château, mais à présent qu’il en était seul maître, tous les paysans des alentours l’appelaient ainsi.

Qu’importe tout cela. Agathe détestait ce château. Elle détestait son père et toute sa clique. « Seulement quelques semaines » avait dit sa mère. Très bien. Elle les passerait à dormir et cuisiner avec Clothilde, n’importe où pourvu que cela soit loin de son père.


*****

– Je pars dès ce soir, avait déclaré Hacco.
– Déjà ? Protesta Clarisse, sa femme. Nous ne sommes là que depuis hier…
– Silence, femme ! Tu ne penses tout de même pas me dire ce que j’ai à faire ?!
– Certes non, je voulais juste…
– Tais-toi, j’ai dit !

Cette fois, il avait hurlé tout en tapant du poing sur la table. Les assiettes rebondirent en même temps qu’Agathe et Clarisse. Cette dernière ne tint plus :

– Très bien, va donc chasser ta blanche biche. Va donc tuer une pauvre créature de plus et t’offrir un trophée sanglant pour ta petite gloire personnelle. Mais sache qu’un jour ta cruauté se retournera contre toi, et ce jour-là, tu seras seul.

Clarisse se leva et quitta la table avec un regard chargé de mépris envers son mari et seigneur.

– C’est ça ! Va-t’en donc, vile sorcière ! Hors de ma vue, créature du diable !

Là-dessus, il arracha un lambeau de chair de la cuisse de lièvre qu’il tenait en main et la mastiqua avec vigueur sous les yeux médusés d’Agathe qui n’osait bouger. Elle n’avait pas touché au lièvre et avait à peine entamé le potage que lui avait préparé Clothilde. Cette dispute lui avait complètement coupé l’appétit.

– Dieu soit loué, toi au moins tu sais tenir ta langue, lui lança le seigneur son père. Tu sais, ta mère devrait me remercier de l’avoir tirée de ses bois de Russon. T’a-t’elle déjà dit où elle était née ? Non ? Ah ! Ça ne m’étonne pas. Elle a honte ! Voila pourquoi.
– Honte de quoi ? Se hasarda Agathe, soudain piquée par la curiosité.
– D’être née dans une grotte, en pleine forêt, comme un animal. D’être l’héritière d’une famille de sorciers, d’avoir ce maudit sang de démon qui court dans ses veines !

Voyant la mine de sa fille se décomposer un peu plus encore, Hacco se reprit :

– Mais ne t’en fais pas, ma douce. Tes cheveux de feu sont les miens et tes yeux de miel aussi. C’est mon sang qui court dans tes veines et non celui de ta mère.

Agathe se risqua à un mince sourire, que son père lui rendit de tout cœur. Ce ne furent toutefois pas ces mots de réconfort qui la firent sourire, mais bien le fait que la réalité était tout autre, et que sa mère avait raison.


*****


La journée avait été longue pour le noble pèlerin Evermare et ses sept compagnons. Ils revenaient d’un long périple à travers l’Europe afin de visiter les plus grands lieux saints et il n’avait cessé de pleuvoir toute la journée. Ils n’étaient plus très loin de chez eux à présent, mais usés de leur marche interminable et trempés jusqu’aux os, ils cherchaient un endroit où dormir au sec.

– Là, mon seigneur Evermare, s’exclama l’un des sept en montrant le château de Hacco du doigt. Regardez, ce château peut peut-être nous ouvrir ses portes pour la nuit ?
– La nuit est déjà tombée, j’espère que le seigneur local n’est pas encore endormi, sinon nous devrons nous contenter d’un lit de feuilles humides au milieu des bois, comme tant d’autres nuits.

Les pèlerins quittèrent le bord de Meuse pour se diriger vers le château, entouré de ses trois moulins et une poignée de maisonnettes. L’imposante demeure du maître de ces terres était construire sur une bute, si bien qu’elle dominait toutes les autres bâtisses. Evermare grimpa les quelques marches qui menaient à la herse, baissée en cette heure tardive. Aucune autre entrée n’était visible.

– Quel dommage, j’ai bien l’impression que les portes nous resteront fermées.

Alors que le meneur des pèlerins semblait se résigner à coucher à la belle étoile sous une pluie diluvienne, l’un de ses compagnons tira sur une corde, près de la herse, et une cloche se mit à sonner. Quelques instant plus tard, une domestique fit grincer la porte du château, du haut des quelques marches qui la distançaient de la herse.

– Bonsoir messires, que puis-je faire pour vous ?
– Bonsoir, je me nomme Evermare, seigneur de quelques terres dans les environs de Tongres. Moi et mes compagnons revenons d’un long pèlerinage à travers divers lieux saints, nous sommes rongés par la fatigue et cherchons un lieu où passer la nuit…
– Mes excuses mon seigneur, le coupa la servante, mais Hacco, mon seigneur et maître refuse le droit de pénétrer en ces lieux à quiconque.
– Hacco n’est pas le seul à vivre ici, intervint une voix féminine derrière la domestique. De plus il est parti chasser, il ne reviendra pas avant l’aube. Veuillez faire entrer ces gens et leur attribuer une chambre. Veillez aussi à leur donner de quoi manger.
– Ma dame est trop bonne, dit en s’inclinant le noble Evermare. Nous vous remercions de tout cœur pour votre accueil.
– Je vous accorde le toit et le couvert, mais vous devrez impérativement quitter ces lieux avant l’aube, avant que mon mari ne rentre de chasse. S’il vous surprend ici, ou même sur ses terres, il risque d’être fou de rage. Il n’accepte aucune forme d’hospitalité, ou du moins jamais gratuitement.
– Quelques heures de repos au sec suffiront, nous serons partis bien avant le retour de votre époux.

Les quelques armes que les pèlerins portaient furent déposées dans le hall, sous les têtes curieuses des cerfs et sangliers qui en ornaient les murs. Heureux de trouver un feu et un repas mais surtout un bon lit, les hommes quittèrent la salle principale pour gagner leur chambre, non sans lancer mille remerciements à la maîtresse des lieux qui leur avait tenu compagnie durant leur dîner.

Le lendemain, ils quittèrent le château avant l’aube, comme promis. Clarisse fut soulagée que Hacco ne soit pas rentré entre-temps. Elle ordonna à Clothilde de ne jamais mentionner la visite du seigneur Evermare et de ses compagnons de route. La domestique acquiesça, ne voulant pas plus que Clarisse risquer les foudres de Hacco.


*****


Hacco et ses deux brigands d’amis étaient éreintés par la chasse de cette nuit. La blanche biche n’avait pas montré le bout de son museau, nulle part. L’aube pointait au dessus des bois de Russon. L’éclat orangé du soleil dardait des rayons qui rosissaient les nuages épars, donnant une atmosphère magique au ciel et à la forêt.

– On ferait mieux de rentrer, le jour se lève. Cette créature ne se montre jamais de jour. La chasse reprendra ce soir.

Le trio était épuisé, tout comme les chevaux. Ils suivirent la route qui traversait la forêt pour rejoindre le château lorsqu’ils y croisèrent une troupe de huit hommes, faiblement armés. Seuls trois d’entre eux portaient une épée à leur ceinture et un arc ceignait le dos d’un quatrième. Ils étaient à pieds mais semblaient frais et secs.

– Halte là, d’où venez-vous ? Demanda Hacco à bonne distance du groupe.
– Je me nomme Evermare, nous rentrons de pèlerinage messire. Nous ne faisons que regagner mes terres…
– En passant par les miennes, le coupa Hacco d’un ton sec. Où avez-vous logé cette nuit ?

Les pèlerins se lancèrent des coups d’œil affolés, sans même penser à tirer leurs armes au clair.
Le seigneur Hacco s’était accoutré de sa tenue de chasse favorite : pantalon blanc et veste rouge assortie à son chapeau à plumes de faisan. Il tenait son arc fermement de sa main gauche et, de la main droite, fouillait son carquois à la recherche d’une flèche à encocher.

– J’ai posé une question, ne m’obligez pas à me répéter.

Il les menaçait ouvertement désormais. Quelle utilité de mentir ? Il avait promis à Clarisse de tout faire pour éviter de croiser son mari et de taire l’hospitalité donnée. Il aurait pu garder cette nuit secrète si personne ne lui avait posé la question, mais sa foi inébranlable l’obligeait à dire la vérité en toutes circonstances.

– Nous avons passé la nuit au château, dame votre femme nous a accueillis avec une grande hospitalité et…
– L’avez-vous payée ?
– Je… non, nous n’avons pas d’argent.

Hacco était hors de lui. La fatigue ne le rendait pas plus conciliant, au contraire : la flèche partit se loger dans la poitrine de l’unique archer parmi les pèlerins, qui tomba au sol en hurlant de douleur. Deux autres flèches se fichèrent en plein cœur de deux autres des compagnons d’Evermare tandis que les autres prirent la fuite à travers la forêt.

Evermare tomba à genoux et supplia le seigneur Hacco de leur accorder sa pitié. Ils n’avaient fait qu’accepter l’hospitalité de la maîtresse des lieux…

– Je suis le seul maître des lieux ! Et qui ne paie pas son passage sur mes terres par biens ou par or le paie par le sang !

Alors, il dégaina son épée et trancha la gorge du noble Evermare. Les corps furent abandonnés sur place alors que Hacco talonnait son cheval vers son château, se promettant de donner une bonne leçon à sa sorcière de femme. De quel droit hébergeait-elle de parfaits inconnus sous son toit ? De quel droit ignorait-elle délibérément les règles instaurées par son seigneur et maître ?


*****


Agathe vit arriver son père de loin. Sa tenue de chasse aux couleurs vives se repérait à des kilomètres à la ronde. Évidemment, il ne rapportait aucune biche. Cependant il arrivait au galop, et comme si le pauvre cheval ne l’amenait pas assez vite chez lui, il le ruait de coups de talons dans les côtes. La jeune fille se détourna de la fenêtre pour éviter d’avoir à supporter ce spectacle. Son père traitait les gens comme des animaux, et les animaux comme de simples objets. Il avait déjà tué un cheval d’épuisement, à vouloir trop en tirer de lui. Cet homme l’écœurait, bien qu’il soit son père.

Une fois son père rentré, elle l’entendit plus qu’elle ne le vit. La porte d’entrée avait claqué avec force et c’est en hurlant qu’il appelait sa femme, au pied de l’escalier. Agathe comprit de suite que quelque chose de grave s’était passé, mais elle ignorait de quoi il pouvait s’agir.
– Clarisse ! Viens ici tout de suite ! Vociféra-t-il à nouveau.
– Je suis là, pas besoin de hurler ainsi, tu vas faire peur à Agathe.

Sa mère descendait l’escalier, Agathe épia la conversation, l’oreille collée contre la porte de sa chambre. Elle n’osait en sortir de peur de subir la colère de son père, elle aussi.

– Par les Dieux, qu’as-tu fait ?

La voix de Clarisse s’était réduite à un souffle. Qu’avait vu sa mère, au juste ?

– Qui était-ce ?

C’était plus un grondement qu’une question.

– De simples pèlerins qui demandaient refuge…
– Mon château n’est pas une auberge, femme !
– Est-ce une raison pour les tuer ?
– Ils n’ont même pas payé un centime, mon dû ! Ils se sont servis en seigneurs dans ma propre demeure et en sont repartis sans demander leur reste ! Nul ne jouera au seigneur chez moi ! Est-ce bien compris, sorcière ?
– Aie ! Mais lâche-moi, tu me fais mal !
– Tu mérites bien pire châtiment pour ta traîtrise. Je vais te ferrer aux cachots et tu n’en sortiras que quand j’en aurai décidé. Si je le décide un jour…
– Non ! Non je t’en supplie ne…
– Tu me supplies ? Je n’ai que faire de tes supplications !

Agathe s’éloigna de la porte, tremblante. Son tyran de père avait tué des innocents. C’était un meurtrier, et elle était sa fille. Pire encore, il allait battre sa mère, la torturer peut-être… Qu’allait-il faire d’elle ensuite ? Il disait l’aimer, et en vérité il la chérissait. Jamais il n’avait ne serait-ce qu’élevé la voix contre elle. Mais après la folie de cette nuit, elle n’était plus sûre de rien.


*****


L’eau était claire et fraîche, en boire un peu la ressourça. La lune était pleine et éclairait la surface de l’eau de sa pâle lumière, mais pas assez que pour pouvoir s’y mirer. Cependant, la créature avait pleinement conscience de ce à quoi elle ressemblait : une jeune biche au poil d’un blanc immaculé et aux sabots d’argent.

Un chuchotement sur sa droite lui fit dresser l’oreille : les sbires de Hacco l’avaient repérée. Elle ne devait pas rester là, il fallait se mettre à couvert le plus vite possible. Hacco serait vite mis au courant de sa présence si près de son château et ne manquerait pas d’enfourcher son cheval pour la poursuivre et la mettre à mort.

Vite, ses quatre pattes la propulsèrent à travers plaines et taillis, puis dans la forêt. Loin, toujours plus loin, jusqu’à perdre haleine. Lorsque ses sabots l’élancèrent, elle s’arrêta. Elle avait parcouru une bonne distance, il mettrait un certain temps à l’atteindre, si jamais il l’atteignait.

L’animal s’allongea en soupirant. Lorsqu’elle inhala à nouveau, toutes les odeurs de la forêt l’emplirent d’un sentiment de bien-être. Ici, elle était chez elle. Feuilles mortes, écorce, terre humide, humus, terrier de lièvre, toutes ces odeurs familières la réconfortaient. Les sons de ce bois aussi : le gazouillis de quelques oiseaux, le grognement d’un sanglier à quelques distances de là, le souffle léger du vent dans les arbres, et puis ce galop au loin…

Non. Non, ce galop-là était celui d’un cheval monté, celui de Hacco. Fuir, il fallait fuir ! La course reprit de plus belle, de bonds en bonds, la blanche biche sauta par-dessus les arbres morts, courut le plus vite que ses pattes le lui permettaient. Mais le cheval la dépassait largement en taille et ses enjambées le menaient plus vite qu’elle. Il la rattrapa bientôt et son maître n’avait plus qu’à viser pour l’abattre. Une première flèche fusa au travers des branchages et se perdit dans la forêt. Une seconde fit de même, mais la troisième la toucha au milieu des côtes. La douleur, une sourde et suintante douleur, lui paralysa les pattes. La créature se laissa tomber, perdue.

– Je t’ai enfin trouvée, ma superbe, s’extasia Hacco.

La blanche biche leva la tête dans sa direction et le toisa de son regard d’émeraude. L’homme semblait surpris d’être ainsi observé par un animal, mais cet animal était exceptionnel, après-tout.

La blessure était profonde et incurable. Des quantités de sang ruisselaient sur son pelage blanc. Mais alors que le seigneur Hacco s’agenouillait à ses côtés, la biche fut parcourue de tremblements. Ses pattes semblaient se métamorphoser en… en bras et en jambes, le poil se muait en peau et la tête… la tête était celle d’Agathe, sa fille.

– Dieu ! Souffla Hacco, étranglé par le chagrin, le remord et la colère à la fois.

La blanche biche n’était autre que sa propre fille. La fille que sa sorcière de femme avait mise au monde. Elle l’avait ensorcelée, c’était indéniable. Agathe était morte par la faute de la sorcellerie de sa femme qui, pour se venger de son emprisonnement, avait changé Agathe en biche blanche. Sa douce petite fille…

– Je te vengerai Agathe, je te le promets. Ta mère subira le bûcher.

Sa fille émit un dernier hoquet de douleur, et c’est le visage crispé d’inquiétude qu’elle sombra dans la mort.

Le lendemain matin, Hacco avait averti tout le petit peuple – les Haccous – qui habitait ses terres de la tragédie qu’il venait de vivre. La faute en incombait à sa sorcière de femme qui méritait qu’on la brûlât comme tout démon. L’Eglise elle-même le recommandait. Un bûcher fut monté le jour même sur les Hauts de Froidmont qui surplombaient la vallée et on y traîna la sorcière. Là haut, son bûcher serait visible de loin, et tous sauraient alors qui elle était vraiment.

– Qu’as-tu à dire pour ta défense, démone ? Demanda le seigneur Hacco à sa femme, déjà ligotée au bûcher.
– Je n’ai rien fait. Je suis fille de sorciers, certes, mais jamais je n’ai lancé le moindre sort contre ma fille ! Tu l’as tuée tout seul ! C’est toi le meurtrier !
– Entendez donc les mensonges de cette sorcière ! S’exclama-t-il à l’attention des Haccous. Que ne dirait-elle pas pour rejeter la faute sur autrui ! Cependant elle se condamne elle-même en avouant ses origines démoniaques !
– Fou que tu es ! Fous que vous êtes à le suivre ! Vous aurez beau me tuer, je ne suis pas la seule sorcière au monde !

La foule murmurait tandis que Hacco souriait, fier de lui. Il avait beaucoup perdu cette nuit, mais sa femme venait de lui offrir une nouvelle chasse. Plus excitante encore.

– Qu’il en soit donc ainsi ! Pour commémorer ce jour de deuil, chaque année nous débusquerons une autre sorcière et chaque année, celle-ci brûlera en cet endroit même où tu te tiens. Je dois bien cela à mes gens. Je dois les protéger des démons dans ton genre.

Les paysans lancèrent des cris de joie. Une mise à mort suscitait toujours l’attention des foules. Une chasse aux sorcières annuelle assoirait son pouvoir sur ses gens une bonne fois pour toutes, les mettant ainsi en confiance. Du moins le croiraient-ils.


*****


Ainsi naquit la légende des « macrâles di Hacoû » signifiant en français : « les sorcières de Haccourt ». Le seigneur Hacco, qui avait déjà donné son nom à ses habitants en les nommant les « Haccous » a ainsi prêté son patronyme à la bourgade qui, en wallon, se prononce « Hacoû », devenu Haccourt au fil du temps et des modifications de la langue.

Bien des sorcières ont péri sur les Hauts de Froidmont, et ce des siècles durant. On nomme encore cette colline ainsi aujourd’hui, mais il n’y figure plus de bûcher.
Haccourt continue cependant de fêter la date à laquelle la blanche biche a été tuée, bien que personne ne se souvienne aujourd’hui de ce détail. Tous ses habitants pensent commémorer les âmes des sorcières autrefois brûlées en recréant le défilé de macrâles dans les rues du village jusqu’à ce qu’on mène une macrâle de papier au cœur d’un bûcher, sur la place.

De leur côté, les restes du pèlerin Evermare furent retrouvés dans le courant du Xième siècle, soit entre deux et trois siècles après sa mise à mort. Le prêtre local en informa l’évêque de Liège, qui fit remonter l’information dans la hiérarchie de l’église qui prit la décision de faire d’Evermare un saint homme. Russon est désormais un village où le folklore local reconstitue chaque année la façon dont leur saint homme a été tué.

Le château de Hacco fut détruit, mais une église prit place sur ses ruines. On peut encore y admirer quelques pans de murs de l’ancien château ainsi qu’une reconstitution de l’entrée où l’ancienne herse barrait le passage à quiconque n’y était pas invité.





nouvelle n°6
La Morale du Monstre
de
Lachésis




L’indicible tension qui planait dans les lieux, dès la première grille franchie, rappelait moins une prison qu'une centrale nucléaire. Les portes se refermaient les unes après les autres avec un froid cliquetis métallique sur le passage du jeune homme. Ce bruit rebondissait sans fin dans sa tête plus que sur les murs. C'était la première fois que Charles pénétrait dans une base aussi sécurisée, et il sentait une sueur glacée couler dans son dos. Ce n'était pas différent de ce qu'il avait pu observer dans de nombreux films, mais additionnés de détails qui rendaient l'expérience insupportable, comme l'épouvantable et pesante lenteur administrative. Franchir les deux points de contrôle suivants demanda une présentation de ses papiers d'identité et de son accréditation officielle. Il fallut encore vérifier auprès du secrétariat de la base que son arrivée était annoncée. Puis il traversa enfin l’œil du cyclone, les locaux non classés comme « sensibles », regroupant l'administration, les laboratoires et le réfectoire. Suivant un chemin rappelant la spirale d'une toile d'araignée, il rejoignit le cœur du dispositif qui était aussi la justification de son existence. Il s'agissait d'un énorme bloc de béton sans fenêtre cernés par les autres bâtiments.

Les nouveaux accrédités devaient se réunir devant l'unique point de passage menant à la Zone de Confinement Biologique, que tous connaissaient déjà sous le nom de Zone. Cet accès était constitué d'une porte en acier blindé, suffisamment grande pour laisser entrer une fourgonnette, et de sa sœur plus petite mais tout aussi solide, à taille humaine. Un gros bouton rouge placé en évidence à droite des portes permettait de fermer la Zone en cas d'urgence. Charles avait tellement vu cette façade dans divers films ou documentaires qu'elle lui parut plus petite. Le site faisait fantasmer les auteurs de séries télés en tout genre. Accéder à cet endroit demandait d'affronter un parcours administratif ubuesque. 

En premier lieu, il fallait justifier d'un excellent dossier, quelque soit la profession du postulant. Si le postulant était accepté, il fallait ensuite fournir le nom et le lieu de naissance de ses parents, ainsi qu'un échantillon de son ADN, et subir une enquête de voisinage, où des inconnus venaient interroger les voisins et les proches du candidat sur sa moralité. Parfois, l'administration justifiait son refus. Parfois non. De plus, la plupart des accréditations étaient données pour six mois. Seuls les chercheurs qui avaient besoin d'un accès continu pour leurs recherches pouvaient les renouveler. Le reste du personnel, tels les soigneurs, les membres de la sécurité ou les hommes de ménages, était constamment renouvelé.

Comme il n'y avait rien de prévu pour patienter dans l'air glacial d'octobre, les nouveaux venus faisaient le pied de grue en frissonnant. Normalement, les arrivées dans un laboratoire s'étalaient sur plusieurs semaines, le directeur ne faisant les présentations officielles uniquement lorsque celles-ci ne servaient plus à rien. Au CEGAM, ou Centre d’Études Génétiques et Anthropologiques de Mende, c'était l'inverse. La visite était destinée à marquer les esprits, à faire comprendre qu'aucun relâchement ne serait toléré en ce lieu unique en France, et peut-être en Europe par sa taille. La rencontre avec le personnel déjà sur place n'aurait lieu qu'après cette présentation. En attendant, ils n'étaient que des étrangers sur un territoire hostile. 

Charles reconnu leur guide aussitôt qu'il arriva. Des murmures se firent entendre autours de lui alors que les gens identifiaient leur hôte. Le professeur Quintila, également docteur en cytologie et fils d'Edmond Quintila qui fondit le centre en 2103, était une personnalité médiatique et politique connue, souvent admirée, parfois détestée. Très proche du gouvernement, il avait autorité pour toutes les questions concernant les sujets étudiés sur la base. Malgré sa cinquantaine et un début d'embonpoint, son physique évoquait davantage un général qu'un chercheur qui avait failli avoir le prix Nobel à plusieurs reprises au cours de sa carrière. Seule la blouse blanche permettait de ne pas faire de méprise. Pour le reste, son crâne rasé, sa large carrure et sa poigne de main d'acier lui donnaient toute sa place dans un film d'action. N'importe quel visiteur non informé aurait comprit qu'il habitait la base comme un bernard-l’ermite occupe un coquillage abandonné, et lui avait donné son âme. Tous les présents avaient entendu dire qu'il insistait pour effectuer la première visite dans la Zone, mais peu d'entre eux avaient pris cette histoire au sérieux.

Les discussions s'arrêtèrent presque toutes en même temps alors que le docteur les regardait droit dans les yeux, évaluant ses nouveaux subordonnés l'un après l'autre. Quand il parla, sa voix fut à l'image de sa personne : autoritaire, froide et puissante.

«Bonjour et bienvenue au CEGAM. Tout d'abord, je rappelle que ce laboratoire se trouve à trente kilomètre de Mende. Le site a été choisi car ce département est le moins peuplé de France métropolitaine avec six cents habitants au kilomètre carré, de quoi rassurer la population et limiter les dégâts en cas de catastrophe. Je ne doute pas que parmi vous, beaucoup sont venus pour enrichir leur curriculum vitae, rembourser un crédit, ou parce que Bobonne travaillait non loin d'ici, ou tout simplement parce que la porte était ouverte... »

Plusieurs personnes eurent l'air choquées, sans trop savoir s'il s'agissait là d'une provocation ou d'une tentative d'humour particulièrement maladroite.
« Mais n'oubliez pas que ceci n'est pas, et ne sera jamais, un laboratoire ordinaire, même pas par rapport à ces abrutis prétentieux du P4 de Lyon... »
Le laboratoire Jean Mérieux de Lyon était, après le CEGAM, le centre le mieux confiné de France, spécialisé dans les maladies hautement contagieuses sans vaccin.

« Nos pensionnaires sont certes un peu moins impressionnants qu'un virus Ebola. J'ai même entendu quelques personnes parties bien avant la fin de leur contrat en qualifier certains de mignons. »

Inutile de demander quel était le motif donné à ces départs. Avec ses appuis au gouvernement, le directeur ne craignait aucune plainte pour licenciement abusif, et sa gestion de la base était réputée pour sa paranoïa.

« Mais n'oubliez jamais qu'ils rêvent tous de vous sauter à la gorge. » Poursuivit-il. « La seule personne dont vous devrez vraiment vous soucier ici, ce sera Moi. Je suis responsable de tout ce qui se passe dans la base, de tout ce qu'il s'y publie, de tout ce qui en filtre, et j'entends continuer à ce que tout s'y passe bien encore longtemps. Alors prenez tout de suite les bonnes habitudes : Suivez-moi, et si vous tenez à votre poste, écoutez attentivement. Si quelque chose vous choque et que vous souhaitez ouvrir votre gueule, je vous laisse aller pleurnicher chez les droits-de-l'hommistes, mon pied au cul en plus.»

Charles sentit son cœur accélérer. Il essuya ses mains moites sur sa blouse. Il percevait l'envie du docteur d'ajouter « couilles molles » à la fin de sa phrase aussi sûrement que s'il était doté d'un sens télépathique.

« Maintenant, nous allons commencer la visite du quartier de confinement, c'est à dire de la zone qui doit faire baver la plupart d'entre vous. C'est beaucoup moins impressionnant que ce qu'on imagine, vous ou ces pleurnichards de l'ONU. N'oubliez pas que ce laboratoire est classé P4b, je ne vous ferais pas l'insulte de vous rappeler ce que cela signifie en terme de protocole. Les caméras contrôlent tous les angles et sont toutes à infrarouges, la zone possède son propre générateur d'électricité et la porte d'accès derrière moi est fermée par défaut. Vous ne devez jamais, je dis bien jamais, vous séparer de vos badges. Ils vous seront nécessaires pour ouvrir toutes les portes. Si vous entrez ou sortez en même temps que l'un de vos collègues, vous devez le présenter comme si vous étiez seul. Si je trouve un badge qui traîne quelque part à l'intérieur de cette zone ou une personne entrée sans s'identifier, la sanction sera le renvoi immédiat pour faute grave. De la même façon, ne soyez pas étonnés par la présence de militaires à l'intérieur de la zone, ils peuvent vous demander de présenter vos accréditations ou vos badges, qui gardent un historique de vos allées et venues. Des questions ? »

Comme personne ne prenait la parole, le professeur Quintila s'écarta et ouvrit la porte, qui émit simultanément un son aigu. Les nouveaux venus se mirent à la queue-leu-leu et présentèrent tour à tour leurs badges. Charles fut parmi les premiers à passer. Ses mains tremblaient tellement qu'il aurait sûrement laissé tomber la fameuse puce électronique si elle n'avait été greffée dans son bras.

L'intérieur rappelait un bunker. Le couloir sans fenêtres était éclairé par une lumière rouge pour ne pas perturber les pensionnaires. Le bourdonnement de l'air conditionné était le seul bruit audible, et les visiteurs ne pipaient mot, saisi par ce silence de tombeau. Charles serra les dents. Il se préparait psychologiquement depuis trois ans. Pour être sûr de ne pas flancher, il avait travaillé dans un élevage industriel de porc, et avait même insisté pour accompagner les animaux jusqu'à l'abattoir. Il se força à adopter une respiration lente et profonde pour masquer sa nervosité. Tout tomberait à l'eau si le docteur Quintila le trouvait trop sensible pour travailler ici.
Le directeur pila soudain devant un rideau métallique. Avec un sens théâtral certain, il attendit que tout le monde se soit regroupé autours de lui pour lever son bras, et le passer devant l'interrupteur qui contrôlait l'ouverture du rideau. Leur présentant l'une des créatures qu'ils devraient, selon les cas, nourrir, soigner, disséquer. Il leur laissa quelques instants pour apprécier le spectacle.

« Je rappelle à ceux qui ne le sauraient pas déjà, que je ne veux pas entendre leur nom vernaculaire. Appelez-les Homo quintiles ou syndrome Q, comme vous préférez. Mais le premier qui prononce le mot vampire ne fera pas de vieux os ici. »

Avant cet instant, Charles avait supposé que les gens qui postulaient ici savaient à quoi il fallait s'attendre. Que ces personnes connaissaient le sujet sur le bout des doigts, et ne seraient pas sensibles au spectacle auquel ils assistaient maintenant. De toute manière, les sympathies pro-vampires ou « droits-de-l'hommistes » écartaient systématiquement les candidats. Mais un homme d'une quarantaine sembla prendre un coup en plein visage lorsque le rideau finit de se relever. Une jeune femme eut un hoquet de surprise qu'elle n'arrivait pas à étrangler. Lui-même serra les poings jusqu'à en avoir mal.

La terrible, immonde et dangereuse créature qui justifiait toute cette coûteuse installation était âgée d'environ huit ans. Brun et grassouillet, le garçonnet était nu. La cellule sans fenêtre était complètement vide, sans même un banc ou un meuble quelconque. Le sol légèrement pentu menait vers une petite grille d'égout servant, d'après les traces, à évacuer les excréments. L'enfant était visiblement très occupé à compter les boulons qui entourait la porte de l'autre côté de la pièce, mais le bruit le fit se retourner vers les visiteurs. Il courut coller son nez contre la vitre et écarquilla les yeux au maximum.

Charles fut incapable de garder le silence plus longtemps.

«Ils sont... tous comme ça ? » La question avait franchi ses lèvres avant qu'il ait pu la retenir. Le directeur lui répondit comme s'il présentait un animal de zoo.

« A différents stades de croissance, sinon c'est à peu près ça. Nous n'avons que des individus nés au centre. Les sauvages sont abattus après prélèvement des gonades. Ça change de la propagande fin vingtième siècle, n'est ce pas ? »

Certains des collègues de Charles semblaient plongés dans un profond malaise. Charles ne ressentit aucune compassion envers eux. S'ils n'avaient pas compris où ils étaient venu travailler, s'ils n'étaient pas venu pour détruire ce centre, ils étaient aussi coupables que le professeur Quintila, ou que le gouvernement qui avait rendu tout cela possible. Il se força à regarder l'enfant sans détourner les yeux. Blasé, le professeur commenta la scène sans un regard pour ses hôtes.

« Vous noterez qu'il ne peut pas nous voir. La vitre est un miroir sans tain. Pour des raisons de sécurité et pour faciliter les expériences, ils sont élevés selon un programme éducatif spécial, en état de stimulation minimale. La plupart baragouinent une dizaine de mot. Ils sont évidement tous analphabètes et ignorent leur nature ou la présence de leurs congénères. Ces individus sont incapables de songer à s'échapper ou de se nourrir tout seuls, et sont presque inoffensifs. Notez bien le mot presque. La quête du risque zéro est mon obsession personnelle.»

Charles trouva cette justification tout simplement répugnante. Soucieux de ne pas se faire remarquer, il se tut. Hélas, tout le monde n'avait pas autant de bon sens.

« Mais... »

Cette phrase commençait mal. Charles déglutit. Il devina que c'était la jeune fille qui n'avait pu retenir son hoquet. Ses airs d’innocente stupidité rendaient sa présence légèrement incongrue en un tel endroit.

« Si je ne m'abuse... » Le ton de sa voix descendait à chaque seconde où le regard irrité du professeur restait sur elle. Difficile d'affirmer si l'exaspération affichée de ce dernier venait des points de suspensions entre chaque morceau de ses phrases, ou parce qu'elle avait osé demander une précision.

« Je veux dire, heu, ils ne naissent pas comme cela, n'est ce pas ? La transformation... Elle est provoquée...Par quelque chose. En général ? »

Elle sembla regretter sa question confuse avant même d'avoir fini de la poser. Le professeur la considéra comme s'il s'agissait d'un problème, courant certes, mais fatiguant à régler.

« Je vois que vous vous souvenez de vos leçons, mademoiselle … ? 

— Helena Guillermo, monsieur. Je suis ici en stage de fin d'étude de puériculture. »

Le ton du professeur rappelait désormais ce qu'on adopterait pour parler à une écolière. 

« Alors, rappelle-moi ce qu'on apprend aux spécialistes de l'enfance sur l'activation ? »

Ne voyant pas le piège, la jeune fille prit une grande inspiration.

« Il s'agit d'une mal...maladie, d'origine génétique. Heu... Epigénétique... » La suite mourut dans un silence hésitant.

Le professeur Quintila poussa un profond soupir.

« Ainsi donc, elle a écouté, elle a appris les mots clés, mais elle n'a pas compris qu'ils devaient avoir un sens derrière ce charabia... »

La jeune fille se figea, bouche ouverte. Ne sachant visiblement pas répliquer aux piques du directeur, elle fixait ses chaussures. Celui-ci s'avança, les mains dans le dos, jusqu'à la toiser de tout son mépris.

« Je vais tâcher de combler vos lacunes, ça m'évitera de répéter trente-cinq fois la même chose si les autres stagiaires ici présents sont aussi acculturés que vous ne l'êtes. Résumons : le syndrome Q est déclenché par une poignée de gènes surnommés « bascules » car ils activent une cascade de gènes qui provoquent à leur tour les symptômes. Or, ces gènes, s'ils sont héréditaires comme n'importe quelle autre partie du génome, ne s'activent que dans certaines situations comme une asphyxie de l'organisme ou un stress organique important. Ils sont présents sur un tout petit pourcentage de la population mondiale, et moins encore auront un syndrome Q déclaré au cours de leur vie. Mais une fois ces gènes activés, il est impossible de les éteindre. Tout nos pensionnaires ont ainsi un syndrome Q déclaré : ils ne supportent aucune lumière forte, ont un excellent système immunitaire et cardia-musculaire, et naturellement, mangent leur ration de chair humaine chaque jour. Certains développent même des crocs et une allergie aux alliacées».

La stagiaire releva timidement la tête.

« Mais alors... Cet enfant est né humain ? »

Très agacé, Charles se demanda comment son dossier avait pu convaincre quelqu'un de l'accepter ici. Ses sourcils se plissèrent sous l'effet d'une intense concentration, comme si elle venait juste de découvrir quelque chose d'important.

« Et en plus, ce n'est pas vraiment une autre espèce...

— Oui ». Le professeur Quintila se pencha vers elle et lui sourit.

« Cette distinction ne trompe personne à part les imbéciles, mais ça nous permet de faire semblant de respecter encore les droits de l'Homme. »

Il lui fit un clin d’œil presque obscène avant de faire signe que la visite continuait. Charles se désintéressa de la jeune fille. Si elle n'avait pas déjà compris l'énorme mensonge que les médias lui avaient servi tous les jours durant son cursus, elle accepterait le reste sans se poser de question.

La visite se poursuivit, avec la présentation des salles dédiées aux expériences ou aux examens médicaux. L'ensemble était effectivement beaucoup plus petit que Charles ne l'aurait pensé, mais était complètement rationalisé et pensé de façon à ce que les pensionnaires soient incapables de s'échapper. Il en ressortit en fin de matinée avec un mépris plus prononcé pour l'espèce humaine et l'envie de prendre une douche. Ils furent ensuite présentés aux différents départements. Le centre abritait plusieurs équipes de recherches, pour la plupart en lien avec les milieux médical ou militaire, plus une importante équipe de génétique évolutive et de bio-informatique dédiée à la recherche fondamentale. Charles était au service de cette dernière, et fit connaissance avec sa responsable. Madeleine Sardes était une femme d'une quarantaine d'année d'allure énergique et au ton chaleureux, qui semblait sincèrement contente de faire sa connaissance. Le jeune homme remarqua malgré lui les dessins d'enfants affichés sur le mur derrière elle, et le portrait d'une petite fille et d'un petit garçon posé sur un bureau très encombré. Ils devaient avoir sensiblement le même âge que l'enfant qu'il avait aperçu un peu plus tôt. 

« Bienvenue dans l'équipe, Charles. Tu ne peux pas imaginer comme nous t'attendions avec impatience ! A chaque fois, l'administration fait traîner les demandes d'accréditation, et au final, après le départ de la personne précédente, nous avons toujours un trou de plusieurs jours où l'équipe n'a personne pour prélever les échantillons dans la zone sécurisée. Je te laisse imaginer le travail qui t'attend pour rattraper le retard. »

Le jeune homme se força à sourire.

« Moi qui pensais simplement que mon dossier avait été égaré quelque part...
— Je te rassure, c'est valable pour absolument tous les nouveaux. Je préfère ne pas aborder le sujet des autorisations permanentes ou des renouvellements, je pourrais râler toute la journée et une partie de la nuit.»

Il prit une profonde inspiration.

« Pensez vous que toutes ces mesures de sécurité soient vraiment nécessaires ? »

Il rêvait de poser cette question depuis longtemps. Évidemment, c'était risqué : quelqu'un d'un peu paranoïaque pourrait l'interpréter comme une tentative pour organiser une quelconque évasion ou rechercher des dissidents. Mais tant que la question s'insérait dans un contexte qu'il n'avait pas initié, il estimait ne pas prendre trop de risques. La chercheuse sembla d'ailleurs parfaitement détendue en lui répondant.

« Je préférerais qu'on se tutoie, c'est le cas dans toute l'équipe. Pour répondre à cette question, tu remarqueras vite que le directeur Quintila est un cinglé paranoïaque. Mais j'ai un peu de mal à rendre compte de l'ampleur de son problème puisque je n'ai pas d'accréditation pour aller dans la zone...

— Vous ne rencontrez jamais les Homo quintiles ?

— Non. Notre travail s'effectue uniquement du côté des séquenceurs et des ordinateurs, l'administration a donc réduit notre nombre d'accréditation à la portion congrue. J'avoue que ça ne me manque pas trop. Observer des gens en cage, ce n'est pas mon passe-temps préféré.

— Je peux le comprendre. »

La suite de la journée se passa sans incident notable. Il déjeuna avec ses collègues, pour la plupart très sympathiques, régla encore des formalités administratives, puis put enfin commencer à travailler. Il commença sa véritable mission le soir même.


Bien plus tard, beaucoup plus tard, à Paris.

Charles entra dans le bar où il avait rendez-vous. Comme prévu, il s'installa près des toilettes et commanda un cocktail rare dont il détailla patiemment la composition au barman. Quatre minutes plus tard, un inconnu s’asseyait à côté de lui. La tour Eiffel ornant son t-shirt et son appareil photo le désignait sans appel comme le touriste de base.

« J'ai le contenu dans ma voiture », annonça d'emblée Charles, qui préférait contempler son verre plutôt que le visage de l'inconnu. S'il se faisait arrêter et torturer, autant qu'il ne puisse pas donner plus d'informations que ce qu'il savait déjà, c'est à dire beaucoup trop de choses. Il sentit que l'inconnu agissait de même.

« Alors un copain va venir enfoncer votre coffre lorsque je serais parti.

— ça me va »

Son interlocuteur commanda un verre de vin blanc, qu'il prit le temps de siroter. Charles crut qu'il partirait dès la dernière goutte bue, mais il se trompait.

« Je peux vous poser une question ?

— Bien sûr.

— Pourquoi est ce que vous faites ça ? »

Le jeune homme soupira.

« Parce que c'est le dernier espoir de sauver l'humanité.

— Vous êtes sérieux ?

— Malheureusement, oui. »

Son contact s'esclaffa. A ce stade, Charles était obligé de continuer.

« Le niveau de vie des Africains continue d'augmenter. Celui des européens, américains et chinois stagne depuis un demi-siècle, mais on ne peut pas parler de baisse significative. Ça ne serait pas un problème si nous n'étions pas si nombreux, bien sûr. Mais quinze milliards d'êtres humains qui veulent vivre dans une société de consommation, même légèrement rationnée, c'est plus que ce que cette planète peut supporter. Nous sommes déjà sur la pente descendante, et personne ne sait où nous nous arrêterons.»

Son voisin avait comme un accent de l'Est. La justification de Charles l'amusait, et il n'essayait pas de le cacher.

« Et nous aider, c'est tout ce que vous avez trouvé ?

— L'accès libre à la contraception et à l'avortement n'ont pas suffit. Les gens se reproduisent à présent jusque soixante-dix ans. La moyenne mondiale est toujours à plus de deux enfants par femme, et tout les gouvernements se félicitent de la croissance. C'est épouvantable, mais il faut impérativement soit vous lâcher dans la nature, soit lancer une campagne de stérilisation massive, soit faire exploser des maternités. Je n'ai ni les ressources pour la solution numéro 2 ni les couilles pour la solution numéro 3. Et les résolutions écologistes adoptées par notre gouvernement sont de pitoyables mesures cosmétiques.

— Je comprends mieux. Puisque les humains ne sont pas assez malins pour auto-réguler leur population, vous espérez que les vampires s'en chargeront à votre place ?

— Ne gobez pas la propagande officielle. Vous n'êtes pas des vampires. Ils sont tous dans le gouvernement. »

La plaisanterie arracha un gloussement étouffé à l'étranger.

« J'aime bien votre logique. Sur ce, je vous laisse. Bonne nuit, même si je crois que vous trouverez pas le sommeil facilement. »

Charles commanda ensuite un whisky sec, puis un autre, avant de perdre un peu le fil. Il sortit du bar une heure plus tard, et bien que tout à fait ivre, il n'osa pas retourner vers sa voiture, certainement visitée depuis longtemps. Il marcha dans les rues floues de la capitale sans y prêter attention, et s'arrêta sur un pont au-dessus de la Seine pour vomir. Il ignorait duquel il s'agissait, et ça n'avait pas la moindre importance.

Il était écologiste. Ce qu'il désirait plus que tout au monde, c'était une Terre qui pourrait nourrir sa population tout en laissant de la place à des espaces préservés où la vie sauvage pourrait suivre son cours comme si l'humanité n'existait pas.

Il se pencha par-dessus la balustrade. Il resta là, immobile, et tout doucement, commença à pleurer comme l'ivrogne qu'il était ce soir-là.

Ses parents l'avaient mis en garde. Ne pas s'intéresser pas aux droits de l'Homme. L'écologie, tant que ce n'était que des mots, était encore tolérée, pas l'humanisme, que les médias aux ordres du pouvoir faisaient passer pour un passe-temps d'attardé depuis des décennies. 

Dans un mouvement mal contrôlé, il envisagea de se jeter dans la Seine.

La seule solution viendrait de ces monstres. Nul ne savait trop comment le père de l'actuel professeur Quintila avait eu l'intuition géniale de sa découverte. Les médias et le gouvernement, ravis de cette diversion à d'autres problèmes, s'étaient jetés sur l'affaire et avaient commencés à parler officiellement de vampire. La campagne de dépistage qui suivit dans nombre de pays moyennement démocratique répertoria une dizaine de cas actifs en France, beaucoup plus dans certains pays de l'Est avec un pic en Roumanie. Le nombre de porteurs sains était l'objet de toutes les supputations.

Pire encore, et c'était ce qui faisait tout l'intérêt des individus étudiés en laboratoire, la probabilité d'activation de gènes relevait d'un phénomène épigénétique. Autrement dit, plus un individu comptait d'ancêtres avec des gènes activés, plus il avait lui-même des chances importantes de développer un syndrome Q. En quelques croisements bien sélectionnés, on pouvait fabriquer des humains dont l'activation du syndrome Q était aussi inéluctable que facile à mettre en place dès la naissance.

Les individus au CEGAM était très bien gardés, et complètement inaptes à vivre en dehors de leur prison. Ils n'intéressaient pas Charles, qui ne pouvait rien pour eux. Le laborantin avait profité de son travail pour se servir dans la banque génétique du CEGAM, qui échangeait du sperme et des ovules avec d'autres centres mondiaux pour conserver la diversité génétique de ses pensionnaires : il avait décongelé les embryons en réserve un par un, les avait divisé en deux, puis remis une moitié à sa place initiale. Il avait réussit à faire sortir l'autre moitié. Ainsi, il avait donné à ses contacts de futures bombes à retardement qui seraient dispersées dans plusieurs cliniques privées de la planète via un trafic clandestin d'embryon tout ce qu'il y a de plus ordinaire. L'humanité serait sauvée par là où elle avait pêché : chacun de ces enfants serait une bombe à retardement, susceptible d'exploser à n'importe quel moment. 

Charles ne supportait plus son existence pour cette raison : l'humanité n'était pas en mesure de se gérer seule. Ils avaient besoin de monstres cannibales pour sauver la planète, parce qu'ils étaient trop irresponsables pour se prendre en charge. Et lui-même avait lâché en toute connaissance de cause un danger qui pourrait tuer un nombre inconnu de membre de sa propre espèce.
En un sens, les vampires des légendes avaient gagnés sans se donner la peine d'exister. Les humains dignes de ce nom, capable d'être maîtres de leurs actes et d'agir pour le bien de leurs semblables étaient des exceptions. Charles n'en faisait désormais plus partie.

Il leva une jambe et monta sur le parapet, et songea à la consolation de ne pas devoir participer à ce monde de fou plus longtemps. Son accréditation venait de s'achever, il n'aurait jamais l'occasion de recommencer. Il lâcha la rambarde.

Il resta un instant suspendu dans le vide. Puis, cet instant s'éternisant, son cerveau embrumé finit par comprendre que ce n'était pas qu'une impression. Il se balançait à quelques mètres au-dessus de l'eau comme s'il avait mis le pied dans un nœud coulant en acier.

Un type avec une tour Eiffel phosphorescente et une casquette le retenait par la cheville. Comme tout à l'heure dans le bar, il avait l'air de bien s'amuser.

« Formidable. Non mais, j'admire, sincèrement. Une telle lucidité, tout à l'heure, c'était tout bonnement in-cro-ya-ble. Ce que tu viens de faire en revanche, beaucoup moins. Voyons voir, je te sauve ou je t'achève ? »

Il semblait peu décidé à le ramener sur le pont pour trancher la question. Mollement accoudé à la barrière, le menton sur le poing droit, il le maintenait par son seul bras gauche avec une facilité déconcertante. Charles bredouilla.

« Ce que je pourrais dire aura vraiment une influence ?

— Faut voir. J'avais juste oublié de te poser une question, tout à l'heure : Es-tu bon en virologie ? »

Charles se demanda s'il n'était pas encore au bar en pleine hallucination alcoolique.

« Je dois répondre à cette question la tête en bas ? »

Aussitôt, une force puissante le ramena à la surface du pont où il tomba lourdement sur les fesses. Sa jambe qui redécouvrait les joies de la circulation sanguine le picotait comme si elle était recouverte de fourmis rouges.

« A vrai dire, j'aurais pu intervenir plutôt, reprit l'étranger, mais il n'y aurait eu aucun intérêt narratif. C'est quoi, un adénovirus ?

— Mon dieu. » Songea Charles. Il se massait la jambe en essayant de fournir une réponse cohérente.

« Un virus est un parasite qui a besoin de la photocopieuse à protéine d'une cellule pour se reproduire. Certains mettent directement leur cul sur la photocopieuse pour y arriver, d'autres entrent dans le noyau et s'installent dans la bibliothèque, autrement dit, s'insèrent dans l'ADN. C'est le cas des adénovirus.

— Vu le nom, je m'y attendais un peu. Et ils y restent longtemps ?

— Heu, jusqu'à la mort de la cellule... »

Charles déglutit difficilement. Il avait travaillé pour une unité de génétique et de bio-informatique. Il avait des notions de bases sur le sujet. Il savait précisément où cet individu voulait en venir.

« Y a des cas, avança-t-il difficilement, où l'ADN viral reste endormi dans la cellule lorsqu'elle se multiplie. Voir, où il est transmis à la descendance... Et s'intègre définitivement dans le génome de l'hôte. Ça laisse des traces faciles à observer. Les généticiens comparent ces séquences ADN à des châssis de voitures sans pneu pour bouger. »

Une bonne minute s'écoula. Puis le jeune homme sentit sa voix trembler.

« Vous ne pensez pas sérieusement à faire ça. » Le vampire haussa les épaules.

« Ben voyons. Ça explique que nous soyons surtout des caricatures pré Bram Stocker. Si on écoutait les vieux mythes roumains, il suffirait d'éternuer un vendredi treize pour devenir vampire, ou naître à Noël, que sais-je encore. Je ne parle même pas des rouquins.

— Mais je vous dis que la transmission était génétique !

— Justement.

— Le virus, s'il y en a eu un, a dû se désactiver il y a des millénaires !

— En fait... »

L'homme s'assit à côté de Charles.

«J'ai été bon élève, chez moi, en Biélorussie. Ils n'ont jamais songé à censurer les livres de bio, et je voulais me lancer là-dedans alors que je participais à un truc ressemblant vaguement à l'embryon du début d'un syndicat. C'était avant de me prendre une intoxication alimentaire de tous les diables. Ou un empoisonnement à la mélamine, devrais-je dire. » Il pouffa.

« Je ne te dis pas la tronche de la police politique lorsque je suis sorti de l'hôpital sur mes deux jambes ! Que de bons souvenirs. Passons. Je disais, il existe des virus qui peuvent sortir de la cellule après une période d'hibernation ? »

L'ex-technicien de laboratoire déglutit. 

« Oui, mais des virus de bactéries. Qui peuvent attendre que leur hôte se multiplie, cachés dans son génome, et qui reprennent un cycle de division normal lorsque la bactérie risque de mourir afin de s'échapper. Ça n'a jamais été observé sur une cellule animale ! »

L'homme s'approcha vraiment très près de Charles, qui n'osa pas bouger. Il pouvait sentir le vin blanc de tout à l'heure dans son haleine.

« Ce n'est pas parce que quelque chose n'a jamais été observé que cette chose n'existe pas. Et même si ça reste faux, j'imagine que ça peut s'arranger si on y met vraiment les moyens. Merci pour les précisions, je préfère avoir plusieurs sources avant d'entamer un nouveau projet. Adieu. »

La torsion sur sa nuque fut tellement rapide que la mort de Charles fut relativement indolore. L'inconnu chargea sa dépouille comme s'il transportait un compagnon de beuverie, s'arrêta dans un coin sombre, et en mangea une partie avant de dissimuler le reste. Puis comme les explications du jeune homme avaient balayé ses dernières hésitations pour entamer un projet de plus grande ampleur, il se mit hâtivement en route. Après tout, il y aurait assez à manger pour tout le monde.


FIN.







1 commentaire:

  1. "La Blanche Biche".
    Doris Facciolo a repris une légende bretonne, l'a fort bien réécrite pour nous livrer une histoire dramatique où l'ignoble Hacco reçoit à la fin sa sentence mais, comment dire, j'aurais apprécié qu'il fût baffé jusqu'à ce que l'envie d'être mauvais lui passe ! ^^

    "La morale du monstre".
    Lachésis signe ici une très bonne nouvelle où le monstre n'est pas celui que l'on croit. C'est une très intéressante variation du mythe vampirique que j'adorerais voir développée plus avant dans un prochain écrit.

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