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"Un seul rêve est plus puissant qu'un millier de réalités." J.R.R. Tolkien

jeudi 7 mai 2015

Les nouvelles et leur genèse / Richard Mesplède - "Le Sceptre du Retour"

Nouveau Monde a commencé en 2012, à la suite du webzine YmaginèreS, à publier des auteurs méconnus qui méritent cependant toute notre attention. Des dizaines d’entre eux l’ont déjà été dans les pages de notre revue et sur notre blog (tournois des Nouvellistes et matchs d’écriture) et bien plus le seront à l’avenir. Nous allons aujourd’hui nous pencher sur la genèse de certains textes parus dans les contrées de notre Nouveau Monde car comment comprendre complètement la pensée d’un auteur dans un récit si nous ne savons pas pourquoi il s’est un jour décidé à le rédiger…

Richard Mesplède , à présent, fouille pour nous dans ses souvenirs et nous entretient de la création de sa nouvelle "Le Sceptre du Retour", texte gagnant du troisième Tournoi des Nouvellistes...








Sulfure

    Lorsque je m'attelle à l'écriture d'une nouvelle, je pars toujours d'une idée simple, d'un concept, d'une thématique ou d'une ambiance. Bien souvent, le point de départ est la création d'un lieu, d'un événement ou d'un personnage. C'est le cas de mon texte le Sceptre du Retour, qui est construit à partir de la protagoniste principale (ceux qui ont lu le Sceptre du Retour comprendront ma réticence à qualifier Sulfure d' « héroïne »).
    Mais une fois n'est pas coutume, je n'ai pas créé ce personnage pour l'occasion. Sulfure existait déjà dans mon imaginaire depuis plusieurs années avant de devenir la nécromancienne de cette nouvelle. A vrai dire, il s'agit ici de sa troisième incarnation ! Ayant vécue une première fois dans le cadre d'une campagne de jeu de rôle, sa carrière a été avortée en même temps que ladite campagne. C'était il y a bien longtemps... Plus tard, lorsque je me suis perdu dans les méandres virtuels d'un MMORPG, j'ai ressuscité le personnage. Mais, là encore, cela n'a pas suffi : je suis resté sur ma faim en abandonnant Sulfure pour retourner à une vie plus réelle (l'arrivée dans notre monde de ma première fille y est pour beaucoup!) Peut-être que Sulfure existe toujours, quelque part, stockée sous forme binaire dans quelques programme informatique. J'ai essayé de la retrouver, un jour, mais j'ai dû m'avouer vaincu : il semblerait que j'ai égaré le code permettant d'ouvrir ma session...
    Après ces deux brèves existences rôlistiques et virtuelles, Sulfure était toujours là, néanmoins. Attendant son heure...
    Et puis, un jour, j'ai ouvert mon traitement de texte et j'ai commencé à écrire une histoire, sans savoir trop où j'allais exactement, à ceci près que j'étais déterminé à rendre hommage à cette maudite sorcière une bonne fois pour toutes.


   
Processus créatif

    Je vais tenter de poursuivre sans m' « autospoiler » (Barbarisme ? Néologisme ? A vous de voir.)
    A l'époque où j'écrivais cette nouvelle, je travaillais sur d'autres textes. C'est toujours le cas, j'ai tendance à me disperser. Quoi qu'il en soit, l'une de ces autres nouvelles était une histoire de pirates dont l'action se déroulait dans mon univers de fantasy et dont le titre était La Flèche d'Argent. A ce jour je n'ai toujours pas achevé sa rédaction (en plus de me disperser j'ai la fâcheuse manie de laisser des travaux en suspens, parfois pendant des années) mais, de même que j'aime lier les aventures que je raconte en les ancrant dans le même monde, j'avais envie de faire un lien entre Sulfure et l'un des pirates de la Flèche d'Argent. Sans trop en dévoiler, je peux dire qu'il s'agit du père de Sulfure.
    Le Sceptre du Retour se déroule donc sur le monde d'Albia, que j'exploite dans presque toutes mes nouvelles de fantasy, de même qu'à travers de nombreux poèmes et chansons. Je nourris toujours, depuis vingt-quatre ans, le projet d'achever l'écriture d'un long roman de fantasy dans le même univers et dont le titre serait (sera?) Le Cycle d'Ouroboros et qui devrait compter entre cinq et sept tomes...
    J'avais donc le personnage (sa mentalité était bien ancrée dans mon esprit grâce au jeu de rôle, son look bien peaufiné par mes parties de MMORPG et j'en savais un peu plus sur son ascendance familiale avec cette histoire de pirate), et je savais dans quel monde se déroulerait l'action. Il ne me restait plus qu'à raconter l'histoire proprement dite et à trouver une chute digne de ce nom. Ce qui s'est fait, globalement, tout seul. J'ai la chance de ne pas connaître le syndrome de la page blanche et lorsque je commence une histoire, quand bien même je n'ai strictement aucune idée, aucun plan ni synopsis m'aiguillant vers une fin bienheureuse (ou malheureuse, d'ailleurs), je suis souvent surpris de voir que l'histoire prend vie d'elle-même. C'est un peu compliqué à expliquer, mais disons que je ne suis juste, à ce moment-là, qu'un intermédiaire, un médium, entre le texte qui demande à naître et sa concrétisation. On peut parler d'écriture automatique, de transe, ou de ce que vous voulez. Cela serait à la fois pompeux et inexact. Pour moi, il s'agit juste d'un jeu. Autrement dit, tout le déroulement du Sceptre du Retour s'est écrit à peu de chose près tout seul. L'histoire, émaillée de références à certains univers déjà connus des rôlistes et d'autres, moins évidentes, à mon propre univers, s'est déroulée en une succession de passages titrés (encore un jeu, d'ailleurs, que le choix de ces titres, à vous de faire un lien entre eux!)
    Lorsque la chute s'est annoncée, je savais que la nouvelle était achevée. Elle devait se terminer ainsi, c'était une évidence. Et je pense, au vu de son succès (nous allons y venir) que cette fin a plu à bon nombre de lecteurs. De temps en temps encore, certains d'entre eux me parlent de ce texte avec louanges. J'en ressens beaucoup de fierté et je les encourage à continuer !




Illustration d'Arnaud Teneur



   
Echecs et réussite

    Concrètement, « Le Sceptre du Retour » est achevé depuis plusieurs années (combien exactement, je ne saurais trop le dire, le temps passe vite sur Terre, mais il me semble que j'ai terminé d'écrire cette histoire en 2007. Ou 2008. 2009, peut-être). Je l'ai soumis à plusieurs éditeurs (toujours dans le cadre d'appels à textes si tant est que le thème collait à la nouvelle). J'ai eu pas mal de retours, tous négatifs, bien que l'un d'entre eux m'ait été fait de façon constructive et bienveillante, de la part (s'il m'est permis de la citer) de la maison d'édition « Sombres Rets ». J'avais effectivement proposé Le Sceptre du Retour en réponse à leur AT pour leur deuxième anthologie « Pouvoir et Puissance » si mes souvenirs sont bons. Cyril Carau a pris la peine de m'expliquer pourquoi Le Sceptre du Retour n'avait pas été retenu, et je dois avouer que ses arguments se tenaient avec la justesse mesurée de l'éditeur qui choisit avec une précision extrême les textes qu'il veut réunir dans une antho. Bref, Cyril faisait du bon boulot (il en fait toujours d'ailleurs, merci à lui) mais mon texte devait, à juste titre, rejoindre la liasse de mes nouvelles sans lendemain. Proposer Le Sceptre du Retour à Sombres Rets fut ma dernière tentative de le voir publié.
    Et puis je suis tombé sur le Blog du Nouveau Monde lors de mes errances sur la toile. J'y ai découvert ce concept complètement dingue de Tournoi des Nouvellistes. Voilà une idée qui me plaisait ! D'une part parce que ce genre de schéma compétitif est ludique, à mon sens (si vous n'avez pas compris, sachez que je suis très joueur). D'autre part parce qu'il existe surtout dans le monde du sport et que, eh bien, le sport, ce n'est pas vraiment mon truc. Quoi qu'il en soit, j'ai décidé d'octroyer une dernière chance à Sulfure en inscrivant ma nouvelle dans le cadre du troisième tournoi des Nouvellistes.
    Le Sceptre du Retour s'est – parfois péniblement – hissé jusqu'à la première place en remportant chaque épreuve. Après un duel houleux en finale, Sulfure a enfin eu droit à son heure de gloire...
    Pour ma part, je suis encore stupéfait d'avoir remporté le 3ème tournoi avec ce texte. Beaucoup de lecteurs l'ont choisi, malgré les qualités littéraires indéniables de mes adversaires et les défauts indiscutables de ma nouvelle, et je ne m'explique pas ce succès. On me parle encore du Sceptre du Retour, de temps en temps... Certains lecteurs me réclament même une suite...

    Si vous avez réussi à me lire jusque là, vous avez gagné quelques bonus (mais c'est promis, j'arrête de parler d'écriture, tournons-nous plutôt si vous le voulez bien vers d'autres arts) :   
   
La musique
    Il me faut évoquer la musique.
    J'écris rarement dans le silence (c'est néanmoins le cas lorsque j'écris des sonnets) et j'ai l'habitude d'écrire systématiquement nouvelles et romans avec une musique de fond. Sans quoi, peut-être, je flirterais avec ce satané syndrome de la page blanche.
    Pour « Le Sceptre du Retour », je me suis nourri essentiellement de bandes originales, de musique classique et de musiques d'ambiance. En voici quelques-unes dont je me souviens : Dead Can Dance (Serpent Egg), le Requiem de Mozart et la BO de l'anime japonais Evangelion.
   
L'illustration
    Pour me féliciter d'avoir remporté ce tournoi, mon fidèle complice d'illustrateur déjanté (Arnaud Teneur, dont je vous invite à visiter le blog ; d'ailleurs il concourt désormais aux tournois des illustrateurs) s'est fendu de sa propre vision du sceptre tel que je le décris dans ma nouvelle. Il faudra que je trouve une place à ce tableau, quelque part.
    Sauf que je sais très bien ce qu'il se passera ensuite.
    Je sais très bien que si je regarde le Sceptre régulièrement, il me séduira (mon précccieux!!!) et je devrais une fois encore me plier à sa volonté.
    Parce que Sulfure est encore là, voyez-vous. Remporter ce tournoi ne semble pas l'avoir rassasiée. Tout au plus connaît-elle pour le moment une brève sensation de satiété, mais je sais très bien qu'elle n'en restera pas là.
    Elle frappe à la porte de mon esprit, de temps en temps.
    Et elle ne reste jamais très longtemps silencieuse.
    Je crois qu'elle va revenir, d'une façon ou d'une autre...

    En attendant, continuez de parcourir ce bel espace de littérature de l'imaginaire que vous offre le Blog du Nouveau Monde !

    Merci à Aramis de m'avoir gentiment proposé cet exercice. Je n'aurais jamais pensé avoir autant de choses à dire sur « le Sceptre du retour » !
 











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