Nouveau Monde a commencé en 2012, à la suite du webzine YmaginèreS, à publier des auteurs méconnus qui méritent cependant toute notre attention. Des dizaines d’entre eux l’ont déjà été dans les pages de notre revue et sur notre blog (tournois des Nouvellistes et matchs d’écriture) et bien plus le seront à l’avenir. Nous allons aujourd’hui nous pencher sur la genèse de certains textes parus dans les contrées de notre Nouveau Monde car comment comprendre complètement la pensée d’un auteur dans un récit si nous ne savons pas pourquoi il s’est un jour décidé à le rédiger…
Richard Mesplède , à présent, fouille pour nous dans ses souvenirs et nous entretient de la création de sa nouvelle "Le Sceptre du Retour", texte gagnant du troisième Tournoi des Nouvellistes...
Sulfure
Lorsque je m'attelle à l'écriture d'une nouvelle, je
pars toujours d'une idée simple, d'un concept, d'une thématique ou d'une
ambiance. Bien souvent, le point de départ est la création d'un lieu, d'un
événement ou d'un personnage. C'est le cas de mon texte le Sceptre du Retour,
qui est construit à partir de la protagoniste principale (ceux qui ont lu le
Sceptre du Retour comprendront ma réticence à qualifier Sulfure
d' « héroïne »).
Mais une fois n'est pas coutume, je n'ai pas créé ce
personnage pour l'occasion. Sulfure existait déjà dans mon imaginaire depuis
plusieurs années avant de devenir la nécromancienne de cette nouvelle. A vrai
dire, il s'agit ici de sa troisième incarnation ! Ayant vécue une première
fois dans le cadre d'une campagne de jeu de rôle, sa carrière a été avortée en
même temps que ladite campagne. C'était il y a bien longtemps... Plus tard,
lorsque je me suis perdu dans les méandres virtuels d'un MMORPG, j'ai
ressuscité le personnage. Mais, là encore, cela n'a pas suffi : je suis
resté sur ma faim en abandonnant Sulfure pour retourner à une vie plus réelle
(l'arrivée dans notre monde de ma première fille y est pour beaucoup!)
Peut-être que Sulfure existe toujours, quelque part, stockée sous forme binaire
dans quelques programme informatique. J'ai essayé de la retrouver, un jour,
mais j'ai dû m'avouer vaincu : il semblerait que j'ai égaré le code
permettant d'ouvrir ma session...
Après ces deux brèves existences rôlistiques et
virtuelles, Sulfure était toujours là, néanmoins. Attendant son heure...
Et puis, un jour, j'ai ouvert mon traitement de texte et
j'ai commencé à écrire une histoire, sans savoir trop où j'allais exactement, à
ceci près que j'étais déterminé à rendre hommage à cette maudite sorcière une
bonne fois pour toutes.
Processus créatif
Je vais tenter de poursuivre sans
m' « autospoiler » (Barbarisme ? Néologisme ? A vous
de voir.)
A l'époque où j'écrivais cette nouvelle, je travaillais
sur d'autres textes. C'est toujours le cas, j'ai tendance à me disperser. Quoi
qu'il en soit, l'une de ces autres nouvelles était une histoire de pirates dont
l'action se déroulait dans mon univers de fantasy et dont le titre était La
Flèche d'Argent. A ce jour je n'ai toujours pas achevé sa rédaction (en
plus de me disperser j'ai la fâcheuse manie de laisser des travaux en suspens,
parfois pendant des années) mais, de même que j'aime lier les aventures que je
raconte en les ancrant dans le même monde, j'avais envie de faire un lien entre
Sulfure et l'un des pirates de la Flèche d'Argent. Sans trop en
dévoiler, je peux dire qu'il s'agit du père de Sulfure.
Le Sceptre du Retour se déroule donc sur le monde
d'Albia, que j'exploite dans presque toutes mes nouvelles de fantasy, de même
qu'à travers de nombreux poèmes et chansons. Je nourris toujours, depuis
vingt-quatre ans, le projet d'achever l'écriture d'un long roman de fantasy
dans le même univers et dont le titre serait (sera?) Le Cycle d'Ouroboros et
qui devrait compter entre cinq et sept tomes...
J'avais donc le personnage (sa mentalité était bien
ancrée dans mon esprit grâce au jeu de rôle, son look bien peaufiné par mes
parties de MMORPG et j'en savais un peu plus sur son ascendance familiale avec
cette histoire de pirate), et je savais dans quel monde se déroulerait
l'action. Il ne me restait plus qu'à raconter l'histoire proprement dite et à
trouver une chute digne de ce nom. Ce qui s'est fait, globalement, tout seul.
J'ai la chance de ne pas connaître le syndrome de la page blanche et lorsque je
commence une histoire, quand bien même je n'ai strictement aucune idée, aucun
plan ni synopsis m'aiguillant vers une fin bienheureuse (ou malheureuse,
d'ailleurs), je suis souvent surpris de voir que l'histoire prend vie
d'elle-même. C'est un peu compliqué à expliquer, mais disons que je ne suis
juste, à ce moment-là, qu'un intermédiaire, un médium, entre le texte qui
demande à naître et sa concrétisation. On peut parler d'écriture automatique,
de transe, ou de ce que vous voulez. Cela serait à la fois pompeux et inexact.
Pour moi, il s'agit juste d'un jeu. Autrement dit, tout le déroulement du Sceptre
du Retour s'est écrit à peu de chose près tout seul. L'histoire, émaillée
de références à certains univers déjà connus des rôlistes et d'autres, moins
évidentes, à mon propre univers, s'est déroulée en une succession de passages
titrés (encore un jeu, d'ailleurs, que le choix de ces titres, à vous de faire
un lien entre eux!)
Lorsque la chute s'est annoncée, je savais que la
nouvelle était achevée. Elle devait se terminer ainsi, c'était une évidence. Et
je pense, au vu de son succès (nous allons y venir) que cette fin a plu à bon
nombre de lecteurs. De temps en temps encore, certains d'entre eux me parlent
de ce texte avec louanges. J'en ressens beaucoup de fierté et je les encourage
à continuer !
Illustration d'Arnaud Teneur |
Echecs et réussite
Concrètement, « Le Sceptre du Retour » est
achevé depuis plusieurs années (combien exactement, je ne saurais trop le dire,
le temps passe vite sur Terre, mais il me semble que j'ai terminé d'écrire
cette histoire en 2007. Ou 2008. 2009, peut-être). Je l'ai soumis à
plusieurs éditeurs (toujours dans le cadre d'appels à textes si tant est que le
thème collait à la nouvelle). J'ai eu pas mal de retours, tous négatifs, bien
que l'un d'entre eux m'ait été fait de façon constructive et bienveillante, de
la part (s'il m'est permis de la citer) de la maison d'édition « Sombres
Rets ». J'avais effectivement proposé Le Sceptre du Retour en
réponse à leur AT pour leur deuxième anthologie « Pouvoir et
Puissance » si mes souvenirs sont bons. Cyril Carau a pris la peine de
m'expliquer pourquoi Le Sceptre du Retour n'avait pas été retenu, et je
dois avouer que ses arguments se tenaient avec la justesse mesurée de l'éditeur
qui choisit avec une précision extrême les textes qu'il veut réunir dans une
antho. Bref, Cyril faisait du bon boulot (il en fait toujours d'ailleurs, merci
à lui) mais mon texte devait, à juste titre, rejoindre la liasse de mes
nouvelles sans lendemain. Proposer Le Sceptre du Retour à Sombres Rets
fut ma dernière tentative de le voir publié.
Et puis je suis tombé sur le Blog du Nouveau Monde lors
de mes errances sur la toile. J'y ai découvert ce concept complètement dingue
de Tournoi des Nouvellistes. Voilà une idée qui me plaisait ! D'une part
parce que ce genre de schéma compétitif est ludique, à mon sens (si vous n'avez
pas compris, sachez que je suis très joueur). D'autre part parce qu'il existe
surtout dans le monde du sport et que, eh bien, le sport, ce n'est pas vraiment
mon truc. Quoi qu'il en soit, j'ai décidé d'octroyer une dernière chance à
Sulfure en inscrivant ma nouvelle dans le cadre du troisième tournoi des
Nouvellistes.
Le Sceptre du Retour s'est – parfois péniblement
– hissé jusqu'à la première place en remportant chaque épreuve. Après un duel
houleux en finale, Sulfure a enfin eu droit à son heure de gloire...
Pour ma part, je suis encore stupéfait d'avoir remporté
le 3ème tournoi avec ce texte. Beaucoup de lecteurs l'ont choisi, malgré les
qualités littéraires indéniables de mes adversaires et les défauts
indiscutables de ma nouvelle, et je ne m'explique pas ce succès. On me parle
encore du Sceptre du Retour, de temps en temps... Certains lecteurs me
réclament même une suite...
Si vous avez réussi à me lire jusque là, vous avez gagné
quelques bonus (mais c'est promis, j'arrête de parler d'écriture, tournons-nous
plutôt si vous le voulez bien vers d'autres arts) :
La musique
Il me faut évoquer la musique.
J'écris rarement dans le silence (c'est néanmoins le cas
lorsque j'écris des sonnets) et j'ai l'habitude d'écrire systématiquement
nouvelles et romans avec une musique de fond. Sans quoi, peut-être, je
flirterais avec ce satané syndrome de la page blanche.
Pour « Le Sceptre du Retour », je me suis
nourri essentiellement de bandes originales, de musique classique et de
musiques d'ambiance. En voici quelques-unes dont je me souviens : Dead Can
Dance (Serpent Egg), le Requiem de Mozart et la BO de l'anime japonais
Evangelion.
L'illustration
Pour me féliciter d'avoir remporté ce tournoi, mon
fidèle complice d'illustrateur déjanté (Arnaud Teneur, dont je vous invite à
visiter le blog ; d'ailleurs il concourt désormais aux tournois des
illustrateurs) s'est fendu de sa propre vision du sceptre tel que je le décris
dans ma nouvelle. Il faudra que je trouve une place à ce tableau, quelque part.
Sauf que je sais très bien ce qu'il se passera ensuite.
Je sais très bien que si je regarde le Sceptre
régulièrement, il me séduira (mon précccieux!!!) et je devrais une fois encore
me plier à sa volonté.
Parce que Sulfure est encore là, voyez-vous. Remporter
ce tournoi ne semble pas l'avoir rassasiée. Tout au plus connaît-elle pour le
moment une brève sensation de satiété, mais je sais très bien qu'elle n'en
restera pas là.
Elle frappe à la porte de mon esprit, de temps en temps.
Et elle ne reste jamais très longtemps silencieuse.
Je crois qu'elle va revenir, d'une façon ou d'une
autre...
En attendant, continuez de parcourir ce bel espace de
littérature de l'imaginaire que vous offre le Blog du Nouveau Monde !
Merci à Aramis de m'avoir gentiment
proposé cet exercice. Je n'aurais jamais pensé avoir autant de choses à dire
sur « le Sceptre du retour » !
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